Jeudi Saint

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 1996-1997

Le repas de ce soir, la mort demain et le matin de la résurrection sont les phases d'un même mystère : c'est l'heure de Jésus. Dans sa conscience, tout se résume dans cette réalité : "il passe de ce monde à son Père " un passage à la fois douloureux et heureux. La seule explication de cet aspect douloureux est l'amour. Un amour qui va jusqu'au bout : 'Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout".

Dans certaines cultures, en plus de son utilité biologique et sociale, le repas remplit divers fonctions symboliques. Les deux premières lectures de ce soir rendent compte de la signification religieuse que juifs et chrétiens reconnaissent à certains de leur repas.

Ainsi, l'Exode nous décrit le repas rituel de la Pâque juive, célébré chaque année en souvenir de la sortie d'Egypte. Le texte invite les convives à prendre ce repas de fête "en toute hâte, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds et le bâton à la main. Pourquoi cette précipitation ? Si non parce que l'on fête le "passage" du Seigneur, lequel entraîne son peuple vers le pays de la liberté.

Evoquant le repas comme mémorial de la mort du Seigneur Jésus, Paul s'indigne des dérives qui méprisent le Ressuscité dans la personnes des affamés de la famille chrétienne de Corinthe.

Jean, de son côté, afin de sauvegarder la pureté du souvenir de Jésus et par conséquent l'authenticité des rites chrétiens, substituera au récit de l'institution du repas un geste-testament : le lavement des pieds. Or, en ce temps-là, ce service était réservé aux esclaves. L'auteur précise que Jésus qui s'apprêtait à accomplir ce geste servile "savait qu'il était venu de Dieu et qu'il retournait à Dieu " ' Il place ainsi le Verbe éternel fait chair en situation d'esclaves au pieds de ses amis. L'incident de Pierre essayant de refuser ce service met en évidence cette signification. La réponse de Jésus "Si je ne te lave pas, tu n'auras point de part avec moi", montre que le refus de ce geste déconcertant équivaudrait à un rejet de l'envoyé de Dieu lui-même, dont toute la vie terrestre fut un service...

"C'est un exemple que je vous ai donné, dit Jésus, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous. " Voilà donc ce que devrait être l'attitude des convives du repas du Seigneur. Le sens profond de l'eucharistie est de rassembler des hommes animés de l'esprit de service. Le sacrement ne peut être réduit ni à un rite magique ni à un repas sacré. Il devrait être signe d'unité et construction d'une communauté d'amour ou chacun se met au service de tous les autres, à commencer par les plus pauvres.

Dans le Nouveau Testament, d'autres récits nous rapportent des conflits, des oppositions qui auraient pu être mortelles pour les jeunes communautés. Ce qui ramènera l'unité, c'est toujours le souvenir de Jésus, de ses paroles et de ses choix. Paul, dans l'épître aux Galates nous garde ainsi le souvenir d'une décision "oecuménique" à l'issue d'un débat violent qui pouvait ruiner l'élan missionnaire des jeunes églises. Les adversaires ont surmontés leurs divergences en reconnaissant que c'est l'homme, vulnérable, blessé, le pauvre, qui sans discussions doit réunir les chrétiens, les églises, pour le service et le partage. 'Jacques, Cephas et Jean nous donnèrent la main en signe de communion, afin que nous allions vers les païens, eux vers les circoncis. Simplement nous aurions à nous souvenir des pauvres, ce que j'ai eu bien soin de faire.