Troisième dimanche de Carême

Auteur: Jean-Baptiste Dianda
Date de rédaction: 7/03/21
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2020-2021
Textes : Baptême du Seigneur

Dans ma langue maternelle, l’église comme le Temple des protestants est traduite par « La Maison de Dieu ». L’aspect cultuel n’est pas mis en avant! Aujourd’hui Jésus nous conduit dans la Maison de son Père et notre Père! Mais voilà, cette Maison est devenue un bazar du sacré, un lieu religieux d’échanges entre la demande et l’offre de Dieu; un lieu de commerce. Alors Jésus pique la sainte colère et se fait un fouet pour chasser sans ménagement les vendeurs du Temple!  

 
Cette colère peut cependant nous troubler, elle ne semble pas cadrer avec l’image d’un Jésus « doux et humble de coeur » dont nous présente l’évangile ailleurs (Mt11,29). Pourtant, il existe bel et bien des passages d’évangile qui nous montrent Jésus, sinon en colère, du moins énervé par l’incompréhension « crasse »dont font preuve ses contemporains, et parfois même ses propres disciples (Mt17,17). La scène violente que nous lisons aujourd’hui a tellement étonné que les quatre évangiles la rapportent.
Au temps de Jésus, le Temple de Jérusalem est le centre d’une vie commerciale foisonnante. L’esplanade du sanctuaire est envahie par un réseau de marchands, de marchandises et de marchandages, qui constituent autant d’obstacles à la rencontre avec Dieu. On peut comprendre la colère de Jésus qui appelle le Temple. Ne veut-il pas nous entraîner plus loin, à rechercher le propriétaire ultime du Temple?
Mais Jean va plus loin dans son évangile. Son récit est volontairement ambigu: lorsqu’il fait mention de la destruction à venir, il fait allusion à la fois au Temple et au Corps de Jésus. On peut y voir une signification symbolique: l’annonce d’une réalité qui sera plus claire après sa mort et sa Résurrection.
    Frères et Soeurs,
Notre chemin de carême nous mène en ce troisième dimanche vers une étape capitale, incontournable même: sortir de l’illusion religieuse. Car tous nous sommes confrontés, peu ou prou, à ces fausses images de Dieu que nous véhiculons en notre for intérieur, ces projections erronées de nous-mêmes sur la divinité. Ces croyances nous aliènent et aliènent nos frères et soeurs, car elles nous maintiennent dans un état de dépendance pervers vis-à-vis d’un dieu qui ne serait que l’image magnifiée de nous-mêmes! En chassant les vendeurs du Temple, Jésus nous délivre de tout marchandage, de toute superstition, de toute conjuration malsaine que nous nous imposons et imposons aux autres. Son Père est le Dieu de la vie, le Dieu de la liberté: le seul lien qui nous unisse à lui est celui de l’amour.
    Et voilà qu’avec Jésus une chose inouïe surgit :Dieu en Jésus(ou plutôt dans sa colère) fait sauter en quelque sorte les murs du Temple. C’est l’éclatement !Il chasse les marchands du temple. Image de nos cœurs si souvent encombrés. Oui, en chassant les marchands du Temple, Jésus nous dit son désir de nous libérer de tout ce qui fait obstacle à son amour. Désormais, Dieu se laisse approcher dans un homme (Jésus-Christ) qui n’est pas un spécialiste du Temple, un homme qui rejoint les prostituées, les publicains, qui mange avec eux, qui touche les lépreux, sans jamais demander à qui que ce soit d’aller d’abord se purifier au Temple.
Jésus, non seulement renverse les comptoirs, mais il vient renverser la manière de rencontrer Dieu son Père. Jusqu’ici, il fallait aller au Temple, désormais, il faut écouter le message d’amour de son Fils et bénéficier de ses gestes de salut, signe de la prévenance de Dieu pour les hommes. En Jésus, c’est l’amour qui fait loi, il n’y a plus d’autres lois que l’amour, mais l’amour qui va jusqu’au bout. Jésus, par son corps, est le vrai Temple et vraie demeure de Dieu. Désormais, « en Jésus, nous avons libre accès auprès du Père. »
Et, du coup, nous devenons alors la Présence de Dieu auprès de nos frères et sœurs. Immense vocation de tout baptisé !En sommes-nous conscients ? peut-être faudrait-il, de temps en temps, un bon coup de balai…pour faire le ménage, en nous et dans l’Eglise, pour retrouver l’éclatement d’un Dieu qui sort de tous les enclos, où nous l’enfermons trop souvent, pour donner sa Présence au cœur de chaque être humain !
     L’évangile de ce jour nous éclaire, et l’action de Jésus reste un « signe », une tentative pour remettre la Loi ainsi que le Temple à leur juste place au sein du Peuple . Jésus repousse à l’extérieur du cœur des croyants tout ce qui est marchandage, légalisme et tout ce qui est de l’ordre de la bonne conscience religieuse. Il nous rappelle opportunément par ce signe, que la fidélité à la volonté et à la Loi de Dieu ne se mesure pas en nombre de sacrifices, mais plutôt à la disponibilité de chacun et chacune à vivre et agir selon la charité.
Désormais, le Peuple-témoin de la Nouvelle Alliance ne sera pas d’abord une « nation », ni un « Temple » autrement dit pas un système, pas d’abord une institution et un culte : il sera un « Corps » c-à-d une humanité continuant l’humanité du Fils de Dieu incarné, un corps formé d’une multitude de membres, repartis sur toute la terre, dans tous les peuples, dans tous les milieux… Un corps pour se donner, un corps pour souffrir et pour ressusciter…Car « le Temple dont parlait Jésus, c’était son corps »(Jn2,13-25).
Ce qui fait souffrir Jésus, c’est de voir la dégénérescence d’un lieu religieux, causée par une logique de marchandage du sacré, comme si Dieu pouvait être acheté. Dieu notre Père n’est pas un fonctionnaire à corrompre ni un vendeur à faire taire par une abondante donation.    D’un Dieu lointain et à plier à notre volonté par des sacrifices et des prières, nous sommes appelés à aller au Père qui nous aime et anticipe tous nos désirs : c’est cela, la vraie conversion. Amen