Dimanche de Pâques (année C)

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 21/04/19
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : C
Année: 2018-2019

Il y a peut-être quelques Bondologues parmi vous. Les bondologues sont tous simplement les fans de James Bond, qui n’ont aucun souci par exemple à regarder un film de James Bond pour la troisième ou quatrième fois… J’en suis un, le prieur également… Dans Skyfall, le méchant incarné par Javier Bardem demande à James Bond quel est son passe-temps. Et ce dernier répond : la résurrection. « What’s your hobby ? » « Résurrection ».

La Résurrection, voilà qui est pour vous, je l’espère, plus qu’un passe-temps ! Parler de la Résurrection, c’est d’abord et avant tout parler de la nôtre, au quotidien. Être résurrectionnel, c’est mettre de la vie dans son existence mortelle. Vivre la résurrection ne consiste pas à être créatif pour transformer son passé, l’embaumer, le maquiller et le mettre ainsi au goût du jour. Vivre la résurrection, c’est retrouver la fécondité de ce qui était perdu. Pâques est plus qu’un passé, fût-il transformé, qui referait surface dans notre vie. C’est tout au contraire le deuil réussi. C’est vivre l’instant présent non dans l’immédiateté, mais dans l’éternité. Résusscité est celui qui conjugue sa vie réellement au présent, plutôt que de l’espérer plus pleine dans un futur simplifié, ou la regretter dans un passé décomposé. Pour cela, il faut accepter certaines ruptures, dont la plus difficile peut-être : ne plus s’accrocher au temps. Pâques, le grand passage, nous invite à célébrer la beauté de cette fragilité humaine, qui accepte de rompre avec ce temps qui semble nous enfermer, pour accueillir —quel que soit notre âge— chaque seconde comme un moment chargé d’éternité.

Pour vivre une telle transformation, il nous faut comme Marie se rendre dans nos propres lieux de fragilité. Comme elle, se risquer à se rendre au tombeau… plutôt de faire comme s’il n’était pas là ! Se rendre au tombeau non pour commémorer quoi que ce soit, mais pour voir qu’il est vide et qu’il ouvre un avenir. Qu’il peut devenir la crèche d’un monde nouveau. N’est-ce pas davantage qu’un clin d’œil, que de voir que ce sont les femmes qui dans les évangiles reçoivent l’annoncent de la résurrection ? N’est-ce pas précisément parce qu’elles portent la vie et la mette au monde ? Vivre la grande traversée pascale, c’est lâcher prise, faire place à une douce, discrète transformation intérieure. C’est alors seulement que l’on peut découvrir tendresse sur tendresse, un air printanier dans sa vie. Alors, le tombeau devient une crèche. Et la résurrection se vit dans des gestes maternants.

Vous aurez déjà remarqué que dans l’évangile que nous venons d’entendre, il n’y a pas de témoins de l’acte de ressusciter. Jésus ne s’est pas « montré ressuscitant », mais il a appris aux siens à le reconnaître ressuscité, ce qui est tout différent. L’annonce de la Résurrection est très exactement le récit d’une révélation, d’une joie contagieuse. En ce sens, la résurrection n’est pas un fait historique… c’est une question posée à notre histoire, à la vôtre. Quels sont vos tombeaux qui peuvent être des lieux d’annonce ?

Le tombeau n’a rien d’une preuve. Le tombeau, la mort, l’échec est paradoxalement, le lieu d’une annonce, d’une promesse. Une annonce qui nous dit : « Circule, il n’y a plus rien à voir dans ta vie à cet endroit-là ». Quitte ce lieu-là qui te retient. Ne commémore pas ce que tu as été, mais accueille ce que tu deviens. Quel que soit ton âge, ton avenir est plus réel que ton passé. Ta vie te précède en Galilée. Voilà l’annonce pascale. Le tombeau symbolise en nous ces lieux qu’il faut abandonner.  A nous d’avoir une telle autopsie de la foi! Voir par nous-mêmes ! ‘Il vit et il cru’.  Tel est bien le sens du mot autopsie, qui signifie littéralement « voir de ses propres yeux ». Il y a l’autopsie qui voit ce qui s’achève, mais il y a l’autopsie qui voit ce qui n’est plus, pour renaître à ce qui devient. C’est ce que nous avons à découvrir. Nos lieux de morts peuvent être, si nous regardons bien, des lieux d’annonce, de promesse, d’éternité ! Si l’extraordinaire annonce de Pâques est regardée avec de tels yeux nouveaux, qui ont fait des deuils féconds, alors la bonne nouvelle sera toujours plus jeune que nous. Alors, la résurrection sera bien plus qu’un passe-temps, qui tue le temps ! Mais un passage, pour mettre de la vie dans votre temps, dans votre histoire. Alors, vous allez courir, autour de vous, à en être à bout de souffle pour porter vie. Que cette joie, cette extraordinaire liberté de Pâques vous accompagne et vous recrée ! Amen.